Site généalogique de Christian Duic

Accueil
Remonter
Marc Breurec
Famille Le Duic
Révolution et pêche
Prêtres réfractaires
Pêche à Riantec
Renchaînement
A bord de
Mourir en mer
Sac de Quiberon
Terrier royal
Eau de vie
Rôle de 1671
Marins d'Estaing
Liste Quiberon
Inventaire terrier


MAJ Page le 13/11/06


Les premiers inscrits maritimes bretons
d’après le rôle général de 1671

Tableaux statistiques

Liste nominative des Morbihannais

(format pdf - 102 ko)

(format excel zippé - 162 ko)

Descriptions et analyses ci-après

 

Au Moyen-Age, le roi (ou le duc en Bretagne) ne disposait pas ou quasiment pas d’une flotte permanente. En cas de guerre, il sollicitait ou, en l’absence de volontaires, réquisitionnait les navires de commerce avec leurs capitaines et équipages en entier. Au 17e siècle, pour soutenir le commerce et l’expansion coloniale, une marine de guerre forte s’imposait à Richelieu puis à Colbert. Si la construction des nouveaux Vaisseaux du Roi ne posaient guère de problème, celui du recrutement d’équipages expérimentés, motivés et bon marché, devint crucial. La presse, consistant à enrôler de force les hommes présents dans un port, et la professionnalisation, comme dans l’Armée de Terre, présentaient divers inconvénients. Le 22 septembre 1668, après de nombreuses hésitations, une ordonnance de la Marine institua alors une solution mixte avec le système des Classes, précurseur de la conscription, et ancêtre de l’Inscription maritime de 1795. Avec ce système, tous les gens de mer étaient recensés dans une classe, qui devait servir dans la Royale une année à tour de rôle.

Contrairement à de précédentes, l’ordonnance fut réellement et rapidement suivie. Le 4 septembre 1669, une seconde ordonnance précisa le nombre de trois à cinq classes selon les provinces. Pour la Bretagne, le premier recensement fut ainsi publié à Brest le 6 mars 1671 sous le titre de « Rôle général de tous les officiers mariniers et matelots de la province de Bretagne, contenant leurs âges, qualités, signaux et demeures, ensemble leur rang de service sur les vaisseaux du roi, divisés en cinq classes ». Cette publication mentionne la première classe dont le service avait déjà commencé en avril 1670, et prévoit les suivantes jusqu’à la cinquième classe se terminant en mars 1675. Le recensement aurait donc été effectué lors de l’hiver 1669-1670.

Une liste manuscrite aurait très pu bien suffire. Mais la publication officialisait au roi (à sa demande express) le travail accompli, et permettait de rappeler à chaque port ses effectifs à fournir à Brest aux dates mentionnées. Plusieurs exemplaires devaient donc exister, mais un seul semble nous être parvenu, celui conservé à la Bibliothèque nationale à Paris. Même les Services historiques de la Marine, que ce soit à Lorient ou à Brest n’en possèdent pas, sans doute suite aux destructions de la Seconde guerre mondiale, mais les Archives départementales du Morbihan possèdent un microfilm de la partie concernant l'évêché de Vannes (1MI 156). Malgré quelques réserves qui seront formulées ci-après, ce rôle de 1671 est important tant par son ancienneté et que par sa vaste couverture géographique, mentionnant près de 13.400 marins bretons en 334 pages. En effet, les plus anciens registres de matricules de gens de mer, dont il est l’ancêtre, ne remontent qu’en 1682-1683, et ne concernent que Cancale et St Servan. Dans le Morbihan, les plus anciens ne datent que de 1751 pour Port-Louis.

L’objectif du présent article est de présenter ce rôle, dont le relevé fut réalisé en 2003 (nominatif pour le Morbihan, numérique pour le reste de la Bretagne), avec une analyse plus particulière pour notre département, permettant de mieux cerner certaines particularités.

Lacunes et doublons

Quelques précisions dans le rôle permettent de comprendre comment il a été établi. Dans les paroisses ou les ports, plusieurs agents recenseurs auraient travaillé parallèlement (trois compagnies d’agents mentionnées à St Servan), et au cours d’une semaine maximum (jours mentionnés pour St Malo, où se concentraient les plus forts effectifs). Cette rapidité peut s’expliquer par le mouvement perpétuel des marins, qu’il fallait canaliser un minimum de temps pour éviter les mécontentements, les oublis, les doublons. Le travail était immense, car les agents ne partaient de rien, ils recensaient pour la première fois toute une population maritime.

Si la couverture territoriale va de Cancale à Bourgneuf, certains zones littorales ne fournissent aucun homme. Pour bien montrer qu’il ne s’agit pas d’un oubli, les agents ont parfois mentionné leurs noms avec le chiffre zéro (ou nihil), notamment dans l’évêché de Nantes. Dans d’autres cas, la question d’une lacune reste entière, notamment :

De grandes villes sont absentes : Dinan, Vannes, Nantes. Or, même si elles avaient plus des fonctions administratives et commerciales, elles devaient bien abriter quelques marins.

Dans le Morbihan, les ports d’Etel (dépendant alors d’Erdeven), de La Trinité-sur-Mer (en Carnac), ou d’Arradon sont également absents, tandis que Locmariaquer, avec dix marins répartis en trois classes, semble sous-représenté.

L'estuaire de la Vilaine n’apparaît pas non plus, alors que Redon et La Roche-Bernard étaient d’importants ports fluviaux. Ce n’est qu’après 1734, qu’il sera intégré dans le quartier maritime du Croisic, avant d’être rattaché à celui de Vannes.

D’autres régions intérieures sont pourtant soumises aux classes. Ainsi, apparaissent les estuaires de la Rance jusqu’aux portes de Dinan, du Jaudy au delà de Tréguier, du Léguer jusqu’à Lannion, de l’Elorn jusqu’à Landerneau (89 marins), de l’Odet jusqu’à Quimper (18 marins dans la paroisse de Locmaria), de l’Aulne jusqu’à Châteaulin (6 marins à Port-Launay), de l’Ellé jusqu’à Quimperlé (2 marins seulement), les abers du Léon, etc. Une paroisse n’est parfois citée que pour un seul marin ! Un quota aurait-il été exigé par évêché, ce qui expliquerait l’étendue dans l’intérieur du Trégor ou le laxisme sur les côtes vannetaises, second fournisseur de la province après St Malo ?

Le périmètre du recensement de certaines catégories de gens de mer est également un peu flou (voir plus loin les spécialités). Mais a priori, seuls des marins strictement professionnels auraient été recensés, non pas les saisonniers (paysan l'hiver, pêcheur l'été), ce qui était aussi le cas au 18e siècle.

A contrario, certains marins ont manifestement été recensés plusieurs fois. Ces doublons ne sont pas évidents à détecter, car les homonymes sont fréquents, tels ces deux Jean Le Monier d’Ambon, âgés de 40 ans, taille moyenne, poil noir, qui ne se distinguent que par leurs surnoms, l’un Boutade, l’autre Cadet. Mais le surnom permet aussi de certifier l’identité unique de François Renaud dit La Liberté, 15 ans, recensé en classes 3 et 5 à Port-Louis, ou Jean Blancho dit Bobillon, 43 ans, recensé en classes 1 et 5 à Sarzeau. D’autres cas sont possibles, de 0,5% avec des critères d’homonymie stricts à 2% avec des moins stricts. Ces marins étaient-ils volontaires, auraient-ils pris la place de quelqu’un, ou auraient-ils été forcés à compléter des classes ? Dans d’autres cas, il peut s’agir d’une erreur d’écriture. Certains marins ont ainsi été recensés deux fois dans la même classe, tels Guillaume Mollo, 25 ans, Louis Laudren, 34 ans et Michel Le Sage 37 ans, tous les trois en classe 5 à Port-Louis, mais sans doute aussi Julien Rozo, 30 ans à l’Ile d’Arz. L’imprimeur lui-même a fait quelques erreurs, comme en reportant le nom de Guillaume Le Godivès de Locmiquélic d’un bas de page au haut de la page suivante. Ces erreurs auraient pu être involontaires, ou volontaires pour augmenter artificiellement le nombre total d’hommes. Une erreur de 2% équivaut à environ 300 hommes, soit quand même l’équipage d’une frégate.

Voir tableau n°1 : Quelques doublons et homonymes

Illustration sur le rôle de 1671

Les territoires

En 1671, les quartiers maritimes n'existaient pas encore, et les amirautés étaient encours de restructuration. Le recensement a donc été établi sur deux niveaux territoriaux existants :

1) Au niveau des évêchés, sauf pour celui de Vannes qui distingue Belle-Ile (qui effectivement dépendait du Saint-Siège jusqu’en 1668), et pour celui de Nantes qui distingue le comté nantais (nord de la Loire) du duché de Retz (sud de la Loire). Les autres évêchés sont Dol (avec des enclaves), St Malo, St Brieuc, Tréguier, Léon et la Cornouaille (Quimper). Chacun de ces dix territoires compose un chapitre du recensement.

Voir tableau n°2 : Répartition par évêchés

2) Au niveau principalement des paroisses. Mais des subdivisions de ces paroisses, dont la population maritime est importante, apparaissent tels les trêves de Crozon, les frairies de St Nazaire, les îles de la Grande Brière, certains villages du pays de Retz. Un canton et un trait sont aussi mentionnés dans le même pays de Retz. A contrario, la paroisse ne distingue parfois pas son port, comme Concarneau, trêve de Beuzeq-Conq, ou Bénodet trêve de Perguet. Trois autres types de territoires apparaissent : le bourg (Conquet, Recouvrance, Audierne, Paimboeuf), la ville (St Brieuc, Tréguier, Lannion, Morlaix, Brest, Landerneau), et le gouvernement, uniquement pour Port-Louis qui couvre en fait plusieurs paroisses. Parfois, la dénomination de paroisse est complétée avec île, ville, bourg, d'autres fois, l'une ou l'autre mention apparaît seulement. D’autres fois encore, le type de territoire n’apparaît pas du tout, comme pour Douarnenez, qui était une trêve de Ploaré, pour Quimperlé, pour Roscoff, et pour d’autres territoires plus petits et moins connus. Plusieurs paroisses de 1671 sont aujourd'hui intégrées dans des communes étendues, telles que St Malo (Paramé, St Servan, St Ideuc), Lannion (Servel, Brelévenez, Loguivy), Brest (Recouvrance, Quilbignon), Concarneau (Beuzec-Conq et Lanriec)…

A noter que pour les évêchés de Dol, St Malo, Tréguier et pour Belle-Ile, le rôle est présenté par paroisse puis par classe, pour les autres évêchés d’abord par classe puis par paroisse.

Voir tableau n°3 : Effectifs par quartier (de 1887) et territoires (de 1671)

Le patronyme

Les noms propres, patronymes et toponymes, n’auraient pas d’orthographe selon certains. Mais dans le recensement, ils atteignent un niveau de compréhension parfois très difficile. Manifestement, d’une part ils ont été transcrits phonétiquement sur papier par l’écrivain, qui ne devait pas être de la région, d’autre part ils ont été relus difficilement par l’imprimeur (Sébastien Mabre-Cramoisy, imprimeur du Roi à Paris), qui lui-même a rajouté des fautes de frappe. Par exemple, la paroisse de Ploemeur, près de Lorient, a été retranscrite selon les cinq classes Plemur, Plenvur et Plenivers ! Cela laisse présager encore plus d’erreurs sur les patronymes, dont une traduction proposée (et nécessaire pour l’informatisation) permet de réduire leur nombre pour le Morbihan d’environ 1100 à 700 ! Près de dix variantes sont parfois dénombrées (voir tableau ci-après). Les plus courantes concernent la présence ou non de la particule LE, la confusion entre les lettres (N-U-V, G-Q, C-L, I-E, O-A…), les terminaisons EC et ECQ, les inversions de lettres, les oublis d’une lettre… La version originale est conservée dans les listes, sachant que le nom proposé peut être contesté. Ce dernier a parfois nécessité la consultation de l’annuaire téléphonique ou des tables de relevés de registres paroissiaux pour des noms aujourd’hui rares ou disparus (merci pour la participation de Josiane et Jean-Yves Le Lan). Il peut également varié d’une région à une autre pour un même nom original (ex : RAU traduit plutôt RAUDE à Groix et RAULT à Ploemeur).

Voir tableau n°4 : Variation des patronymes

Le surnom

Dans le Morbihan, il est mentionné pour 7,8% des marins, mais beaucoup plus à l'est (jusqu’à 23,5% à Ambon) qu'à l'ouest (1,7% entre Port-Louis, Ploemeur et Groix). Faut-il attribuer cette différence à une coutume (plus de cabotage dans le golfe du Morbihan), ou à l'intérêt des agents recenseurs ? Il faudrait exclure les mentions « le jeune », « fils », « l’aîné », qui ne sont pas spécifiques aux marins. Au palmarès des surnoms les plus fréquents, apparaissent : Gauche (3), Dauphin (2), Broc (2). Le surnom était souvent attribué dès le plus jeune âge : 4,8% des moins de 20 ans en ont déjà un. Mais il apparaît surtout après une longue carrière : 17% des 40-49 ans en ont un. Il semble aussi parfois attribué à plusieurs membres de la même famille.

Surnom ou sobriquet du marin 

Il a une signification et une origine parfois très difficiles à connaître. Son histoire ressemblerait en fait à celui du nom de famille. Un classement en différentes catégories peut être tenté pour certains :

Origine géographique : Basque, Latin, Martinique, Roi du Maroc, Bourgneuf, Soubise, Campagne, La forêt, La motte.

Rapport hiérarchique : Patron, Maître, Roi, Baron, Curé, Pape, Moine, Cadet, Carabin...

Comportement : Tropfort, Boutade, Gauche, Favori, Ménage, Mil Affaires, La Liberté.

Couleur : Rouge, Roux, Roquin, Toublanc.

Description physique : Belle-barbe (pour Benoît Le Franc, 40 ans de l’Ile-aux-Moines).

Fleur : Rose, Muguet.

Animal : Coq, Dauphin.

Prénom (du père ?) : Artus, David, Nicolas, Maurice, Gros-Jean.

Nom de famille (?) : Robineau, Bidaut, Baudet.

Autres surnoms (*** = Surnom du père)

Ambassat, Attilly, Balouecq, Barouet, Bauquet, Bedic, Bilian, Bivicq, Blandin, Bobillon, Bodo, Bombo, Bouliar, Broc, Cadu, Calesse, Campagne, Cardin, Carter / Cartier, Chicot, Coedel, Cohé, Colas, Cosquier, Coullibeau, Crapic, Dagonne ***, Fasecq, Fazecq, Fiancle, Fleury, Flicaud, Floury, Forgu, Frier, Gaguineau, Galpautre, Gauvel, Get, Godec, Goury, Grezicq, Groudin, Hararore, Jobart, Jozicq, La Pierre, Lampon, Laumrecq, Laurecq, Lez, Luco, Mapras, Mardoecq, Marer, Milon, Milouar, Miquion, Mitau, Mordocq, Nivet, Norden, Ogier, Ouen, Ozan, Perian, Perrinuguen, Pierro, Pilpeu, Podac, Poquet, Queyo, Rach, Robineau, Rochebert, Rozet, Saint-Quirin, Sidan, Soursacq, Tabourin ***, Taca, Tartary, Toizieq, Toulicq, Vat

 

Voir tableau n°5 : Répartition géographique des surnoms

Voir tableau n°6 : Répartition par âge des surnoms

Voir tableau n°7 : Associations de surnoms aux noms

Les prénoms

Comme à la campagne, le prénom Jean arrive largement en tête (avec 19%), suivi de François (8,2%). Suivent Pierre, le patron des pêcheurs (7,5%), Guillaume (6,9%), Yves et Yvon (6,1%). Parmi les autres, Bonaventure est fréquent à Groix et Quiberon (1,7%), Gildas et Tudy également à Groix, Patern plutôt dans le golfe du Morbihan. Les prénoms sont assez variés, 98 au total, et certains assez rares puisque 50 sont portés par au plus 5 personnes. Aucun prénom composé n’apparaît. Ils ne semblaient pas nécessaires à l’époque, mais au 19e siècle, ils seront plus courants, notamment avec Marie, sainte patronne des marins (Jean Marie, François Marie, Louis Marie…). Par ailleurs, quatre hommes n’ont aucun prénom d’inscrit, mais ils sont distingués par la parenté ou le surnom, notamment le nommé Pierrot, neveu de la Martinière, 36 ans du Palais, et Cordo dit David, 43 ans de Port-Louis.

Age et catégories de marins

L’âge varie de 13 à 57 ans, si deux cas sont exclus en raison d’une erreur manifeste de frappe : 9 ans pour François Quiberan d’Ambon, et 95 ans pour Mathurin Fraval de Sarzeau (sans doute inversion des deux chiffres, soit plutôt 59 ans). Par ailleurs, il n’est pas mentionné dans quatre cas. En considérant les âges, les mousses représentent 14,5% des effectifs, les novices 8,5% et les matelots et officiers mariniers le restant soit 77%. Les mousses sont ici classés, mais ils n’auraient pas été astreints au service comme au 18e siècle. Ils étaient uniquement volontaires pour les embarquements. La catégorie des hors-de-service ne devait pas encore exister. Les matricules spécifiques n’apparurent d’ailleurs qu’en 1737.

Voir tableau n°8 : Age des marins

La taille

Cinq dénominations apparaissent surtout petite (18%), moyenne (58%), grande (23%), et exceptionnellement basse (trois cas) et haute (un cas pour Vincent Le Fur, 15 ans de Houat). Pour les moins de 20 ans, une taille petite paraît normale (44% contre 10% aux adultes) et grande exceptionnelle (2% contre 30%). La taille exacte en décimètres n’apparaîtra que dans les matricules des inscrits définitifs à partir du 19e siècle.

Voir tableau n°9 : Taille des marins

La couleur du poil

Les châtains et les noirs représentent 86% des caractéristiques physiques, les bruns, les blonds et les roux se partagent à peu près équitablement 12%. Avec la vieillesse, les cheveux grisonnants sont également mentionnés (2%). Agé de 40 ans, Louis Pelletier d’Ambon est le seul chauve, mais d’autres avaient certainement le front largement dégarni. La couleur du poil n’est pas mentionnée dans un seul cas.

Voir tableau n°10 : Couleur du poil

La parenté

Elle n’est mentionnée que pour 11% des marins, sans doute pour distinguer des homonymes (alors que le domicile n’est pas suffisant). Elle concerne surtout le prénom du père, mais l'oncle apparaît dans deux cas pour le dénommé Pierro du Palais, 35 ans, neveu de La Martinière, et pour Louis Rio de Ploemeur, 20 ans, neveu d’Yves Rio. Dans les futures matricules, le nom du père, de la mère, du conjoint seront systématiquement mentionnés, et au 19e siècle, parfois celui des enfants et des frères inscrits maritimes.

Locmariaquer, un nid à marins à l'entrée du golfe du Morbihan

Le domicile (village)

Il est précisé pour 8,8% des marins, plus particulièrement ceux de Ploemeur (32%), Groix (24%) et Port-Louis (16,4%). Port-Louis était une trêve de la paroisse de Riantec, dont plusieurs gros villages de marins pêcheurs sont mentionnés tels Locmiquélic, Locmalo, Gâvres, La Trinité. Le domicile n’apparaît pratiquement pas pour le golfe du Morbihan, où par contre les surnoms sont plus nombreux, comme vu plus haut. Selon les régions, les agents du recensement auraient donc pu favoriser soit le domicile, soit le surnom pour caractériser les marins. Si les ports de Damgan et de Pénerf, dépendants alors de Ambon, ne sont précisés qu’une fois chacun, beaucoup des 247 marins de cette paroisse devaient en être originaires. Par ailleurs, certains domiciles ne dépendaient pas de la paroisse d’inscription, mais d’une autre. Ainsi, sont inscrits à Port-Louis, sept marins venant de Kerprat, village dépendant actuellement de la commune de Sainte-Hélène sur la rivière d'Etel. A Groix, est inscrit Jacques Even, 45 ans de « Quimperlais » (Quimperlé).

Voir tableau n°11 : Domicile

La spécialité

Elle est mentionnée pour seulement 41 gens de mer (2%) : 29 charpentiers (dont 12 de Port-Louis, le reste du golfe du Morbihan), trois calfats, quatre pilotes, deux canonniers, deux voiliers, un seul officier marinier (quartier-maître). Elle est manifestement sous-estimée ou non précisée pour de nombreuses catégories, peut-être même pour les charpentiers, car les chantiers navals du Vannetais figuraient parmi les plus importants de France aux 17 et 18e siècles.

Voir tableau n°12 : Spécialité

Nom des bateaux et autres renseignements

Le nom du bateau apparaît pour certains Malouins déjà embarqués lors du recensement, mais pour aucun marin du Vannetais. Il ne faut pas compter sur d’autres renseignements que ceux décrits ci-dessus. Les matricules du 18e siècle, et surtout du 19e, seront beaucoup plus précises.

La répartition des marins

L’importance des ports et des quartiers maritimes peut être évaluée avec l’armement, le trafic des navires, mais aussi l’effectif des marins inscrits. Sous réserve de leur validité, car comme vu plus haut, des lacunes existeraient pour certaines parties de la côte, les chiffres de 1671 peuvent être comparés avec ceux de l’année 1887 (chiffres extraits de "La Bretagne maritime aux XVIIIe et XIXe siècles..."). Globalement, en deux siècles, le nombre de marins bretons (hors capitaines, officiers supérieurs et hors de services) aurait été multiplié par six.

Voir tableau n°13 : Evolution des effectifs globaux

Voir tableau n°14 : Effectifs de 1671 et 1887 par quartiers

Voir tableau n°15 : Effectifs de 1671 par ports et quartiers

Au niveau du Morbihan, les territoires de 1671 peuvent être regroupés en trois grandes zones, correspondant pratiquement aux quartiers maritimes actuels : Lorient (rade de Port-Louis et île de Groix), Auray (baie de Quiberon et Belle-Ile), et Vannes (Golfe du Morbihan, presqu’île de Rhuys, estuaire de la Vilaine). En 1671, Lorient existait à peine avec les chantiers de la Compagnie des Indes, mais Port-Louis demeurait de loin le premier port morbihannais, avec 415 marins, soit 19% des effectifs ! Son quartier maritime n’était cependant pas encore le plus important, avec un tiers des effectifs. En effet, le quartier de Vannes rassemblait 45% des inscrits, éparpillés entre l’Ile d’Arz, l’Ile-aux-Moines, Arzon et surtout Ambon, second port avec 247 marins. Mais il stagna à la fin du 19e siècle, avec la disparition du cabotage face notamment à la concurrence du chemin de fer. En deux siècles, le quartier d’Auray progressa le plus grâce à l’essor de la pêche et à des ports mieux situés sur la côte pour les navires de fort tonnage. En 1887, il regroupait ainsi un tiers des marins morbihannais.

Au niveau de la Bretagne, en 1671, le port de St Malo arrive très loin en tête avec 1356 marins, soit 10% des effectifs (également premier port français), suivi de Binic et Cancale avec chacun 4%, puis en 4e position Port-Louis avec 3%, suivi de près par Le Croisic. En regroupant les inscrits dans les limites de 1887, le quartier de St Malo conforte sa position avec 2553 marins, soit 19% des Bretons ! Vannes arrive en seconde position avec 7,4%, puis Le Conquet, Binic, Le Croisic autour de 6% chacun. Lorient arrive en 8e position avec 4,7%, Auray, Groix et Belle-Ile alors séparés en 1887 plutôt dans le peloton de queue avec environ 1,5%.

Voir tableau n°16 : Effectifs de 1671 et 1887 par quartiers maritimes

En l’espace de deux siècles, si l’évolution globale des effectifs est spectaculaire, elle connaît de forts contrastes selon les quartiers, à commencer par St Malo qui stagne et ne concentre plus que 4,7% des inscrits en 1887. C’est la même chose pour tous les autres quartiers au top de 1671. Les quartiers se démarquant le plus sont désormais ceux des deux ports de guerre, Brest et Lorient (9,7 et 9,1%), suivi de Paimpol (8,1%), connu pour ses pêcheurs d’Islande. Des progressions sensibles sont également remarquables grâce à la pêche pour Concarneau, Auray (4e quartier avec 5,7%), L’Aberwrach, et dans une moindre mesure pour Douarnenez et Belle-Ile. Les effectifs semblent par ailleurs se transvaser entre Paimboeuf et Nantes (comme d’ailleurs entre Le Conquet et Brest), mais la progression globale de ces deux quartiers reste modérée (facteur de 4,9).

Voir tableau n°17 : Effectifs de 1671 et 1887 par départements

Au niveau des départements, le Finistère, qui possède le plus de côtes, reste finalement le meilleur fournisseur de marins. Il est suivi des Côtes-d’Armor et du Morbihan. L’Ille-et-Vilaine, avec la région de St Malo, connaît la plus forte défection en deux siècles, tandis que la Loire-Atlantique reste bonne dernière. Cette remarque n’est toutefois pas valable au niveau du trafic maritime ou des armements. Par exemple Nantes a été, au 18e siècle surtout, l’un des plus importants ports français, mais ses marins provenaient manifestement d’autres quartiers maritimes.

Il serait intéressant d’étudier l’évolution de la densité des marins dans la population totale, car il n’existe pas forcément une corrélation avec la répartition régionale. Toutefois, les recensements de civils couvrent bien peu de paroisses et villes à la fin 17e siècle. Brest comptait environ 2000 habitants en 1660, 150 marins en 1671, soit une densité de 7,5%. En 1887, la densité moyenne des quartiers est de 5,5%. Les plus fortes concernent Groix (30%), Binic et Belle-Ile (environ 20%), Camaret, Auray, Douarnenez, Paimpol, Concarneau (de 10 à 15%), tous quartiers où la pêche prospère.

En conclusion, si le rôle de 1671 est moins précis que les futures matricules des gens de mer, il permet de confirmer l’engagement d’un ancêtre dans le milieu maritime, d’étudier les surnoms de marins, et connaître l’importance des ports.

Bibliographie

Société des gens de mer, des classes à l'inscription maritime (1669-1795), in Cahier d'Histoire Maritime du Morbihan n°9, juillet 1988.

La Bretagne maritime aux XVIIIe et XIXe siècles, administration et archives, Philippe Henwood, in Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, tome LXIV, 1987.

Guide des sources d’histoire maritime de Bretagne, Association des archivistes français, 2005.