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MAJ Page le 10/04/01


La pêche à Riantec et à Port-Louis en 1728

 

Pendant plusieurs années des décennies 1720 et 1730, LE MASSON DU PARC est chargé par le roi d'inspecter les côtes françaises, afin de connaître les différents types de pêches qui s'y pratiquent, et d'émettre un avis sur des réglementations éventuelles. Il en résulte un formidable rapport[1] de plusieurs milliers de pages, d'une précision unique pour la connaissance du milieu maritime de la première moitié du 18ème siècle. LE MASSON visite l'Amirauté de Vannes en 1728. A cette époque, la pêche de la sardine est en pleine expansion sur la côte, notamment à Belle-Ile et dans le quartier maritime de Port-Louis. Voici donc un extrait de ce rapport concernant ce dernier lieu. L'écriture originale a été conservée, mais quelques accents et une ponctuation ont été rajoutées afin de faciliter la lecture. Les titres et les notes sont également de la rédaction.

Villages de pêcheurs à Riantec. 1

Filets et poissons. 2

Visite de Port-Louis. 2

La pêche des oiseaux. 3

Autres pêches à pied. 3

 

Villages de pêcheurs à Riantec

Continuant notre route tirant vers le Port-Louis, nous sommes venus dans le village du bourg de Riantec, paroisse de Ste Radegonde[2].  

Pêche à la sardine au 18e siècle

Il y a environ 50 à 55 bateaux pour la pêche, dont les pêcheurs sont dispersés dans plusieurs lieux qui sont sur le territoire du bourg qui est d'une grande étendue. Les principaux (lieux) sont La Trinité[3], dont les pêcheurs (parmi lesquels Jean et Julien LE DUIC cités en marge) ont sept bateaux qui sont du port d'environ deux tonneaux, de 23 pieds de quille, ayant deux voiles, de même fabrique que sont les bateaux de Belle-Ile, et qui font tous dans la saison la pêche de la sardine le long des côtes et autour de l'île de Groix depuis la pointe de Quiberon. Cette pêche commence en mai et dure jusqu'à la Toussaint.

Les pêcheurs du bourg (dont Jean KERNER et Gilles JEGO cités en marge) n'ont que trois semblables bateaux tant pour la pêche de la sardine que pour faire les autres pêches de poisson frais dont il fera fait mention ci-après. Ceux du lieu nommé Les Salles (dont Patern LE GUENNEC et Jean LE PADELLEC) ont quatre bateaux de la même forme que les précédents. Ceux-ci et les autres pêcheurs, pendant qu'ils font la pêche de la sardine, marandent encore les diverses espèces de cordes dont ils se servent pour le gros poisson. Les pêcheurs de Lomalo (dont Guillaume KERNER et Jean ANIDON) ont sept bateaux. Ceux qui demeurent à la pointe de Gavres (dont Laurent SCOLAN et Bonaventure TONNERE), à l'entrée d'Ouest du Port-Louis, à l'embouchure de la Rivière du Blavet (Rade de Lorient), ont pour faire leur pêche huit bateaux. Les pêcheurs du village nommé Locmiquelic (dont François FROLO et François LE DUIC) ont quatorze à quinze bateaux de la même fabrique. Ceux du lieu nommé Kerforne ou Kerdené (dont Yves FRIO et François FORBIN) n'ont seulement que quatre bateaux. Et les pêcheurs de Lezenel (dont Paul DANIC et Jean FORBIN) ont cinq bateaux.

Filets et poissons

Tous ces pêcheurs, outre la pêche de la sardine, ont des dragues ou chaluts et rets traversiers, des grands filets ou folles, des trameaux sédentaires[4], des hameçons pour le gros poisson et la pêche du maquereau au plomb. Ils avaient aussi ci-devant des seines ou ains, dont nous n'en avons trouvé aucune attendu les défenses portées par la déclaration du 23 avril 1726, et l'exécution de laquelle les officiers de l'amirauté du ressort (de Vannes) tiennent exactement la main. 

Nonobstant quoi, la pêche de la gueldre[5] ou menue ne laisse pas d'y être encore furtivement pratiquée par les pêcheurs. Et pour cacher leur contravention, ils la font seulement durant la nuit dans la saison de la sardine, temps auquel le frai donne abondamment à la côte, et la consomment dès le lendemain au matin, cachant comme les autres les sacs et les instruments dans les haies ou dans les sables. Pour tacher de remédier à un abus si préjudiciable, il faudrait sur les lieux plusieurs syndics ou gardes jurés fidèles et affectionnés pour faire leur devoir. Des personnes sur les lieux et bien intentionnés pour le rétablissement de la pêche, dont ils commencent à s'apercevoir, nous ont proposé le nommé Jean NIOBE de Riantec pour un homme capable de se bien acquitter de cet emploi, que le sieur BOURGEOIS lieutenant présent a promis de faire élire à la première nomination.

Préparation des filets vers 1900

Les rets à sardine dont se servent les pêcheurs de Riantec ont les mailles depuis cinq à six lignes[6] en carré jusqu'à dix parce que ce poisson est de grosses pièces le long de ces côtes comme nous l'avons ci-devant observé.

Les mailles des sacs de dreige, drague ou chalut, que nous avons visitées sont de cinq différentes grandeurs et les plus larges ont dix neuf lignes en carré, les autres dix huit, celles qui suivent dix sept, la quatrième espèce seize et les plus serrées quinze lignes seulement aussi en carré, desquels rets et filets nous avons averti les pêcheurs de s'abstenir de se servir jusqu'à ce qu'ils eussent obtenu de la cour la permission d'en faire usage comme elle avait été ci-devant accordée aux pêcheurs du ressort des amirautés de Marennes, de la Rochelle, et des Sables-d'Olonne. Les sacs des dragues de ces pêcheurs presque carrés, cette pêche se pratique depuis le mois d'octobre jusqu'à la fin d'avril.

Les folles ou grands filets sont de trois sortes. Les larges mailles ont huit pouces[7] neuf lignes en carré, les autres sept pouces, et les plus petites n'ont que six pouces en carré. Ainsi ces mailles sont de beaucoup plus grand calibre que celui qui est prescrit par l'ordonnance de 1684, qui les a fixées à cinq pouces en carré.

Les trameaux sédentaires ont les mailles de la menue, toile ou nappe de quatre sortes, les plus larges ont vingt lignes en carré, les suivantes dix neuf, les autres dix sept lignes et les plus petites quinze lignes. Celles des hameaux ou grandes mailles sont de deux sortes, la première a neuf pouces quatre lignes en carré, et les autres seulement huit pouces aussi en carré. On fait dans ces mêmes filets la pêche des maquereaux.

Les ains ou claveaux, crocs ou crochets sont de plusieurs sortes. Ils servent à faire la pêche des tavaux, bars ou loubines, plombes ou petites dorades. Les pêcheurs en ont encore pour le gros poisson, les chiens de mer de toutes sortes, les posteaux ou grandes rayes, les merlus, les congres, les raies, les anges ou bourgeois et les turbots.

Ils font aussi la pêche du maquereau à la ligne au plomb, laquelle est montée de deux ains, et de la manière que nous l'avons ci-devant expliqué avec deux piles de chanvre ou de crin armées de chacune un claveau. Cette même pêche avec des rets dérivants n'y est point pratiquée ou très peu en usage le long de ces côtes. On n'y fait aucune salaison, tous ces poissons se consomment frais.

Visite de Port-Louis

Après laquelle visite finie dans les villages du territoire de Riantec, nous commissaire inspecteur sus-dit accompagné et suivi comme dessus et guidé par le nommé Jean LE DUIC, avons continué notre route et sommes tous venus de compagnie au Port-Louis.

A proprement parler, il n'y a aucun pêcheurs de profession dans cette ville. Ceux qui font dans la saison la pêche de la sardine, lorsque les propriétaires des presses[8] ne leur fournissent point de chaloupes, sont obligés ou d'en louer des pêcheurs forains, ou de s'embarquer avec eux pour faire cette pêche.

Marché au poisson à Port-Louis vers 1900

Il y a donc dans le Port-Louis que quatre ou cinq petites chaloupes, qui servent aux pêcheurs du lieu à faire la pêche de la ligne à l'hameçon. Elles ne sont que du port de cinq à six barriques au plus, n'ayant que seize à dix huit pieds de longueurs, deux mats, deux voiles, et montées de trois, quatre à cinq hommes au plus, qui font toute l'année cette pêche et se servent de trois différentes espèces d'hameçons, crocs ou claveaux.

Les plus gros servent à faire la pêche des posteaux, merlus, congres, et autres semblables poissons qui sont abondants à ces côtes, qui sont toutes couvertes de rochers ou ces poissons se plaisent. La deuxième espèce de leurs hameçons sert à la pêche des merlans, petits merlus, dorées guittans et autres semblables qui recherchent aussi les fonds durs et couverts de goémon comme sont ceux de cette côte. Et les plus petits de ces claveaux servent à la pêche des maquereaux au plomb, à celle des plies et d'autres plus petits poissons plats et ronds.

La pêche des oiseaux

Toutes les côtes de la mer de ces cantons étant couvertes à la rive de sables et parties de rochers, on y fait diverses sortes de petites pêches tant à pied qu'avec bateaux. Celle des oiseaux marins, qui y viennent en troupes d'autant plus grandes que l'hiver est rude, se pratique à la ligne à l'hameçon comme nous l'expliquerons ci-après. Les riverains se servent aussi de fouannes ou tridents d'une manière particulière.

Macareux

Les pêcheurs, qui font la pêche des oiseaux marins, ont des lignes doubles de longueur à volonté, sur lesquelles ils frappent de distance en distance des piles ou menues ficelles d'une longueur proportionnée à la profondeur des fonds sur lesquels ils veulent tendre leurs lignes, en sorte que la boitte ou l'appas dont sont garnis les ains des piles, et qui est ordinairement des morceaux de paumons ou d'autre viande, puisse se trouver à fleur d'eau. Les pêcheurs tendent leurs lignes avec un bateau. Ils mettent à chaque bout une grosse pierre pour la faire caler et la tenir sur le fond. On y prend de cette manière des macareux[9] de toutes sortes espèces, des canards marins de toutes sortes, des jadelles et autres espèces d'oiseaux à pieds feuillus, qui ne viennent jamais à terre. Ces oiseaux ne mordent à l'appas que durant la nuit. Le matin, les pêcheurs viennent avec bateaux relever la ligne, et y prendre les oiseaux qui s'y sont trouvés arrêtés. Cette pêche ne se pratique que durant l'hiver. Elle est d'autant plus fructueuse que les nuits sont noires et obscures.

On fait encore la pêche des oiseaux marins et maritimes à la côte à pied d'une autre manière. Ceux qui veulent faire cette pêche forment le long du rivage, dans un endroit convenable, des petites haies faites de branches de genêt, en laissant de distance en distance des passages entre lesquels ils placent les laces de crin. Les oiseaux marins et maritimes, qui de basse mer y viennent quêter leur pâture ordinaire, se présentent à ces ouvertures où ils se trouvent pris dans les laces, en sorte qu'il en échappe très peu. Les riverains en prennent encore un grand nombre qu'ils tirent soit en se mettant dans de petites chaloupes, soit en rangeant à pied le bord des côtes où se tiennent toujours ces oiseaux, surtout ceux de l'espèce des pieds fendus.

Autres pêches à pied

Les pêcheurs riverains, qui font la pêche à la fouanne, qu'ils nomment fouanne ou trident, en ont qui sont formés de trois à cinq tiges ou doigts emmanchés d'une gaule ou perche de six à sept pieds de long. Et pour se tenir sur les vases sans y enfoncer, ils se mettent sous chacun de leurs pieds un chanteau du fond d'une barrique. Lorsque la marée commence à perdre ou qu'elle est retirée, ils vont le long du rivage et lancent de temps en temps leur fouanne pour prendre les poissons plats qui s'envasent. Ils y prennent aussi de cette manière des congres et des anguilles de mer.

Ils nomment ici l'instrument que l'on appelle bouteux ou bout de quièvre aux côtes de Haute Normandie, petit havaneau ou haveneau. Il en a peu près formé de même sinon que d'aucune, au lieu du demi-cercle de bois, l'ont de fer, le bout du manche est arrêté au milieu du cercle, et pour le contenir debout dans l'opération de la pêche, il y a au bas du demi-cercle de chaque côté un morceau de bois de dix à vingt pouces de long, qui sont aussi jointes au manche. Le pêcheur, qui se sert de cet instrument, le pousse devant lui comme on fait le bouteux. On y prend des chevrettes[10] et des poissons qui restent sur les sables de basse-marée, lorsqu'il y a encore un peu d'eau.

Les pêcheurs de pied se servent encore de crocs emmanchés d'une perche ayant huit à dix pieds de long pour tirer les poissons qui restent à la basse eau sous les grosses roches qu'ils ne peuvent lever. Et pour ôter les moindres, ils se servent d'un levier, anspect ou barre de bois de trois à quatre pieds de long, et dont le bout est armé pareillement d'un petit croc de fer. Avec cet instrument, ils retournent les roches de moindre pesanteur pour y prendre les poissons qui se sont cachés dessous, lorsque la mer s'est entièrement retirée.

Ceux qui font la pêche des palourdes, ricardeaux, sourdons, couteliguets et autres coquillages, et des vers marins que l'on tire des vases dures et des sables, se servent d'une bêche qui ne diffère de celle dont on se sert pour la culture des terres.

[1] Conservé aux Archives nationales sous la cote Marine/C/5/21.

[2] De Riantec, ont été détachés la commune de Gavres en 1868, la commune de Locmiquelic avec village de Lezenel en 1899, le village de Locmalo actuellement  quartier de la commune de Port-Louis.

[3] Actuellement Kerner.

[4] Tramail: filet composé de 3 rangs de rets superposés, la partie supérieure étant garnie de flotteurs en liège et la partie inférieure étant lestée de plombs.

[5]  Gueldre : pâte de chevrettes, de crabes, de fretin de soles et de merlans, préparée localement et transportée en sacs ou en fûts. Du fait qu'elle corrompait la sardine, son emploi avait été interdit dès 1681.

[6]  1 ligne= 1/12 de pouce = 2,2558 mm

[7]  1 pouce= 27,07 mm

[8] Les conserveries n'existant pas au 18ème siècle, les sardines étaient pressées afin d'en extraire l'huile qui en empêchait la conservation. Les propriétaires de ces presses étaient généralement de riches bourgeois et négociants de la ville de Port-Louis.

[9]  Le macareux est oiseau en voie de disparition de la famille du pingouin. Il est protégé dans un parc des Côtes d'Armor.

[10]  Autre nom de la crevette.