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Histoire d’un matelot du XVIIIe siècle : Marc BREUREC
Premier enfant d'une famille de pêcheurs, Marc BREUREC naît le 11 juillet 1742 au village de Gâvres, dépendant alors de la paroisse de Riantec. Comme la plupart des enfants de son âge de 10 ou 11 ans, il embarque comme mousse sur une chaloupe de pêche... Mais il semble tenté par l'aventure, après les récits de son père Gilles de ses fabuleux voyages au Sénégal et en Chine, effectués il y a 20 ans. Se faisant alors passer pour âgé de 19 ans, alors qu'il n'a que 15 et demi, Marc réussit à s'embarquer comme novice, en février 1758, sur le Comte d’Argenson, un des plus beaux vaisseaux de la Compagnie des Indes avec 1000 tonneaux et 182 hommes. La solde de 20 livres et l'avance de six mois étaient très attrayantes pour un jeune de l'époque, mais la guerre était commencée depuis deux années et les eaux de l'Océan Indien devenaient incertaines. Armé de 26 canons, le vaisseau quitte Port-Louis en escadre composée de neuf bâtiments pour intimider toute attaque de la part des anglais. Donnant sur la même rade, Port-Louis puis Lorient furent le siège de la Compagnie des Indes Marc va rester dans les colonies pendant quatre années et connaître les déboires de la marine française pendant cette Guerre de Sept Ans. Dès 1759, l'escadre d'Aché abandonne en effet Pondichéry et son gouverneur Lally Tollendal aux mains des anglais, puis se réfugie à Port-Louis de l'Ile de France (Ile Maurice) pendant plus d'une année. Dans l'inaction la plus complète, les bâtiments de la Royale et de la Compagnie subissent à leur mouillage de graves dégâts lors d'un ouragan en janvier 1760. Marc quitte cet enfer en s'embarquant sur l'Actif. Le vaisseau du roi va rentrer calmement en France à partir du 11 août 1761, faisant de longues relâches à l'Ile Bourbon (La Réunion), dans le barrachoir de Foulpointe (Madagascar), et dans la baie du Cap de Bonne Espérance. Il n'arrivera ainsi que le 31 janvier 1762 à Brest, accompagné de deux autres vaisseaux, le Zodiaque et le Minotaure, rencontrés depuis le Cap. De septembre à la fin de l'année 1762, Marc s'embarque sur un autre vaisseau du roi, le Sage. Mais en tant que matelot, il ne touche que 18 livres et le bâtiment ne sort guère de la rade de Brest. La fin de la guerre s'annonce proche. Resté à peine un mois à Port-Louis, Marc est rappelé à Brest le 8 février 1763. Cette fois, il est aide canonnier et touche 21 livres. Le 26 mars, il embarque sur la flûte du roi la Corrisante. Il est très vite remarqué pour ses qualités à la manœuvre par ses supérieurs, qui lui promettent une augmentation de 5 livres pour sa prochaine campagne. Le 11 septembre, la flûte désarme à Rochefort. Les traités de paix étaient signés depuis février. Marc ne souhaite alors plus continuer dans la Royale. Il arrive à Riantec le 21 septembre et épouse un mois plus tard Marie Jeanne TONNER, fille de pêcheur. Il a 21 ans. A partir d'août 1764, Marc pêche, sans doute comme matelot au début puis rapidement comme maître. En septembre 1769, il achète en effet pour 285 livres la chaloupe de pêche de son beau-père Joseph TONNER. L'année précédente en juillet, Marie Jeanne TONNER avait cédé à ses trois frères et soeurs la part de biens lui revenant de la succession de sa mère (une métairie à Plouhinec) pour 290 livres. Cet argent est donc utilement réinvesti. La même année 1768, en décembre, Marie Jeanne et Marc achètent pour 720 livres la maison de leur père. Sur les conseils de ses enfants, celui-ci atteint de diverses infirmités, met en vente pure et simple ses derniers biens pour obtenir quelques revenus. Le paiement étalé sur sept ans permet ainsi à Joseph TONNER de recevoir régulièrement 120 livres, et à Marc BREUREC de ne pas trop s'endetter. Ces biens sont imposés aux fouages de 1779 à 2 livres et 15 sols. En mai 1778, Marc âgé de 36 ans est malade et reste chez lui sans pouvoir marcher. Ainsi, il ne part pas pour la nouvelle guerre qui vient d'éclater, mais par ailleurs, il est père de plusieurs enfants. Dans les années 1780, il reprend la pêche à bord de sa chaloupe la Ste Anne montée par cinq hommes : lui comme maître, son fils Jacques comme mousse et son père Gilles BREUREC, sexagénaire, comme l'un des trois matelots. Alors que leur père est encore vivant, Marc et ses frères et soeurs se partagent les biens de leur mère en octobre 1785. Marc cède par licitation pour 202 livres à son beau-frère Vincent L'HERMITE une maison en pierres située à Gâvres. L'histoire de Marc est moins connue sous la Révolution et l'Empire. Il prête cependant 109 francs à son fils Pierre puis emprunte 600 francs à son beau-fils Pierre L'HERMITE dans les années 1800. Ces sommes seront retenues dans la succession. Marc BREUREC meurt le 23 janvier 1810. Il n'a que 68 ans mais on lui donne 73. Presque aussitot, ses enfants se cherchent des comptes, mais Marie Jeanne TONNER, bien que malade, conserve la communauté familiale jusqu'à sa mort, suivant son époux de quelques mois. Finalement au partage de 1813, deux enfants doivent quitter la maison. Pierre L'HERMITE et Anne BREUREC se font les principaux successeurs de leurs parents. Les biens sont alors évalués à 1800 F pour la maison, 124,50 F pour les terrains (1 jardin, 3 pâtures, 4 parcelles de terre chaude, 4 sous‑landes ou joncs) et 306 F pour la chaloupe de pêche. |