Site généalogique de Christian Duic

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MAJ Page le 10/04/01


Révolution et pêche côtière :

les difficultés d’une famille

(Dans le cadre du Bicentenaire de la Révolution)

 

Au 17e siècle, en Bretagne, le déclin de la pêche de la morue permit le développement de celle de la sardine. Comme nombre d'autres familles, les LE DUIC quittèrent les terres intérieures et s'installèrent dans les faubourgs de PORT-LOUIS (Morbihan), petite ville côtière en pleine expansion. D’humbles laboureurs, ils devinrent de notables pêcheurs. Au début  du 18e siècle, un LE DUIC fut titré de "Honorable Homme", tandis qu'un autre accompagnait l'inspecteur du roi LE MASSON DU PARC en 1728. A la veille de la Révolution, six LE DUIC étaient dénombrés comme propriétaire-maître de chaloupe (patron pêcheur) dans le quartier maritime de PORT-LOUIS, et vivaient aisément. 

La Révolution entraîna des guerres et la mobilisation. La famille LE DUIC fournit son contingent. Dominique II embarqua au service de la République vers 1793, mais 18 années plus tard, il n'était pas de retour !  Son oncle Jean-Thomas décéda à l'hôpital maritime de BREST en 1795, à l'âge de 46 ans. Leur cousin Mathurin, qui n'était âgé que de 18 ans, disparut dans le naufrage de la frégate l'IMPATIENTE, au moment de l'expédition d'Irlande de 1796. Autant de débâcles maritimes qui coûtèrent chères à la vie des enfants du pays, anciens ou futurs patrons pêcheurs. 

En Bretagne, la situation n'était guère meilleure. Les côtes étaient bloquées par l'ennemi, qui brûlait les chaloupes, comme pendant la guerre de Sept Ans. En Juin 1800, un négociant concarnois écrivait: "L'Anglais nous serre de près. Il rode en force depuis QUIBERON jusqu'à la rade de BREST. On le dit embossé à Quiberon. La pêche n'a pas encore commencé; j'appréhende qu'elle ne sera pas abondante: il fait un froid d'hiver et un vent cruel". Comme appât, la stockfish ne pouvait plus être importée de Norvège. La gueldre, qui était un mélange de crustacés et de poissons, était alors utilisée, bien qu'elle corrompe la sardine. Dès Mai 1795, les négociants port-louisiens et les pêcheurs se réunirent pour chercher à améliorer leurs conditions. Les premiers donnaient alors la rogue à crédit, prêtaient de l'argent, mais prenaient aussi des hypothèques. Les pêcheurs continuaient à vivre difficilement. 

Jean LE DUIC, l'un des fondateurs d'une branche de la famille, fut particulièrement touché par cette période. En Mai 1804, il négocia avec Toussaint HERVEL, armateur et futur maire de Port-Louis. Jean devait tout d'abord rembourser 240 Francs sur le premier argent qu'allait produire la pêche de l'été, puis 475 Francs dans le délai de trois années pour la construction d'une chaloupe. Les termes du contrat sont ensuite clairs et assez stricts. Le maître devait porter dans les presses de HERVEL, la sardine qui allait être pêchée dans cette chaloupe, à l'exception de celle vendue à la côte et aux chasse-marée. Il devait aussi prendre dans les magasins de l'armateur, toute la rogue qui lui était nécessaire, au prix d'usage des autres pêcheurs. Toussaint HERVEL percevait par ailleurs une part du produit de la pêche, la chaloupe restait à son nom et devenait sa propriété définitive si elle n'était pas payée dans les trois années.  

L'Empire n'améliora pas la situation des pêcheurs. L'état demandait toujours et toujours plus de marins. Cette fois, la réticence fut plus importante. Etienne LE DUIC déserta de la corvette la VOLAGE en Juin 1804; son frère Aubin Ier, du vaisseau le COURAGEUX (!), en Janvier 1808; et leur cousin germain Paul Ier, de la canonnière la SUBTILE, fin 1809. L'imposition du blocus continental de 1806 à 1812 fut douloureuse pour les marins de commerce. Les frères Pierre et Joseph LE DUIC, qui ne le respectèrent vraisemblablement pas, furent condamnés à la prison. Pendant ce temps, la pêche stagnait à Port-Louis. Il n'y avait plus que deux patrons pêcheurs dans la famille. Ce n'est qu'à la chute de Napoléon, que les LE DUIC furent dégagés de leurs obligations militaires ou libérés de prison de mai à juillet 1814. 

La paix revenue, la splendeur du temps passé n'y était plus. Le prix du matériel de pêche avait augmenté, et les patrons avaient trop emprunté. Les négociants s'instituèrent progressivement en armateurs, allant jusqu'à posséder 80% des chaloupes pendant la crise sardinière des années 1830. Au cours du 19e siècle, la famille LE DUIC ne possèdera au maximum que quatre bateaux, que monteront leurs patrons, ses autres marins embarquant ailleurs comme simples matelots. Les jeunes se tourneront alors vers la marine de commerce, la royale, puis la douane et la gendarmerie. Après bien d'autres tempêtes, il ne reste aujourd'hui plus qu'un seul patron pêcheur chez les LE DUIC.