Le territoire de Diégo-Suarez
est situé à l’extrême nord de Madagascar. Il est complètement isolé du
reste de l’île avec les hautes montagnes du Tsaratanana (point culminant à 2 876 m).
Il forme un vaste triangle compris entre le cap d'Ambre et les deux presqu'îles
d'Ampasindava et de Masoala, avec au milieu l’une des plus grandes baies du
monde après celle de Rio De Janeiro. L'étroitesse de la passe fait de cette
baie une sorte de grand lac salé et un excellent abri naturel. Le contour longe
156 km de côtes variées, divisées en quatre rades principales. Au milieu, un
îlot en forme de pain de sucre est un lieu sacré interdit d’accès, et où
des zébus sont immolés régulièrement. Le paysage des environs est varié,
passant de la forêt primaire aux savanes. Dominant la baie, la ville de Diégo
comprend 80.000 habitants et dispose du troisième port du pays. Son économie
repose aujourd’hui principalement sur la pêche du thon, la construction
navale (sur l’ancien arsenal), l'exploitation du sel ainsi que l'exportation
de produits agricoles. Les marchés sont assez animés. Quelques témoignages du
passé subsistent place Joffre et le long de la rue Colbert (l’axe principal).
Au début de cette rue, la grande halle à structure métallique, construite en
1895 par un riche commerçant indien, a été restaurée dans les années 1990
pour l’Alliance française. La population est la plus cosmopolite de l’île
et reste assez francophile. Il existe deux saisons à Diégo. Entre mai et
octobre, un vent intense appelé "Varatraza" favorise un climat sec et
tempéré (20°C en moyenne). De novembre à avril, pendant l'été austral, la
mousson apporte des pluies diluviennes (28°C en moyenne).
1. Le port, la ville, et le pain de sucre à
l’arrière plan 2. Maison coloniale place Foch - 3. Grande Halle rue
Colbert.
Une terre d’aventures.
A l’origine, la région est peuplée par plusieurs tribus, telle que les
Antakarana et les Sakalava. Au début du 16e siècle, elle est découverte par
deux marins portugais Diégo Diaz et Hernan Suarez, qui lui donne leurs noms. Dès
lors, elle attire la convoitise des pirates et flibustiers de toutes sortes,
notamment au 17e siècle un français dénommé Misson et un père dominicain défroqué,
Caraccioli, qui créent ensemble la république de Libertalia. Arrivent ainsi
des comoriens, des esclaves, des aventuriers européens. Ils commercent avec les
Sakalava, cultivent la terre, élèvent du bétail, épousent des
autochtones, ont zana-malata (métis), bâtissent une ville, se dotent d'un
parlement, créent même une langue universelle ! Le commerce concerne
principalement les bœufs, le riz, qui s’échangent contre fusils,
quincailleries, toiles et autres produits manufacturés en Europe. Après une
trentaine d'année, la ville est dévastée et pillée par des tribus malgaches,
qui sont en conflit permanent pour étendre leur puissance hégémonique. Les
Sakalava fondent un des principaux royaumes au 17e siècle au nord-ouest avant
d’être dominés par les mérinas, qui unifient finalement l’ensemble de
l’île. La région continue néanmoins à attirer des communautés
d’origines diverses, mais pour la plupart commerçantes : yéménites,
somaliens, comoriens, arabes, chinois, indo-pakistanais, et bientôt les français.
La conquête française.
Depuis la fondation d’un comptoir à Fort-Dauphin au 17e siècle, les Français
conservaient des relations tumultueuses avec les Malgaches, entre rébellions,
persécutions et traités. Le protectorat de 1885 avec la reine Ranavalona III,
puis le traité de 1890 avec les Anglais, reconnaissent finalement les droits de
la France sur la baie de Diégo-Suarez, d’un intérêt stratégique pour la
marine de guerre. Profitant d’insurrections, la France étend son influence
sur le reste de l’île. Un corps expéditionnaire de 15 000 soldats
commence la conquête en décembre 1894, rencontre des résistances, est
partiellement décimé par la fièvre, mais vainc l’armée malgache le 30
septembre 1895. Le 22 novembre suivant, jour de la fête nationale, une nouvelle
insurrection commence et dure plus de 18 mois. Finalement en 1897, Madagascar
est annexée, la reine exilée, et la même année, un décret libère 500.000
esclaves principalement autochtones (sur une population de 2,5 millions).
La colonisation. Entouré
de collaborateurs tels que les colonels Lyautey et Joffre, le général Gallieni
est nommé gouverneur de 1896 à 1905. Chargé de la pacification, il réprime
les résistances, instaure une administration omniprésente. Il dote Madagascar
d'une infrastructure modeste mais moderne (hôpitaux, écoles, voies et moyens
de communication), et développe le secteur agricole (café, vanille, girofle).
Quelques produits miniers sont extraits mais de manière archaïque. L’Etat
est le principal investisseur et le premier employeur. Les malgaches doivent
chaque année sur les chantiers publics, 30 jours de corvées qui ne seront
abolies qu’après la Seconde Guerre mondiale. Ils doivent aussi payer la
capitation, impôt particulièrement impopulaire, et un impôt sur les zébus.
Ceux non soumis aux lois françaises, sont assujettis au code de l’indigénat.
Ils doivent se munir d’un passeport intérieur, n’ont ni droit de vote, ni
libertés politiques. L’accession à la citoyenneté française est limitée
à une minorité. Toutefois, plusieurs soldats malgaches s’engagent sur les
fronts européens des deux guerres mondiales. En 1920, l'île compte 3,3
millions d'habitants, dont à peine 17.000 français, qui pour moitié sont
originaires de la Réunion.
L’indépendance. En
1942, lorsque les britanniques débarquent, Madagascar alors pétainiste rejoint
le mouvement de la France Libre. Entre mars 1947 et décembre 1948, une
insurrection éclate sur le quart oriental de l’île. Au cours de la répression,
80.000 Malgaches sont massacrés, les principaux leaders sont condamnés à
mort. Le 2 août 1958 à Tananarive, à la veille d’un référendum d'autodétermination,
le Général de Gaulle soutient les Malgaches dans un discours éloquent.
Autonome depuis 1947, le pays obtient son indépendance le 26 juin 1960, avec
pour premier président Philibert Tsiranana. Les bases navales, dont
Diégo-Suarez,
sont évacuées le 1er septembre 1973 et Madagascar quitte la Zone Franc. Des
relations diplomatiques sont alors établies avec les pays socialistes.