Sur proposition d'Annette de Laserve, Salazie doit son nom au massif des Salazes ou à salaozy qui
signifie en malgache « bon campement ». Ce cirque est le moins
sauvage de La Réunion, mais le plus arrosé avec la Côte au vent. Il est
entouré de hauts sommets : La Roche Ecrite (2277 m), le Cimandef (2226 m), le
Piton Marmite (1877 m), tous trois limitrophes de Mafate à l’ouest, le Gros
Morne (3013 m), le Piton des Neiges (3070 m), tous deux limitrophes de Cilaos au
sud. Quasiment inviolés par la présence humaine, les paysages impressionnants
comprennent d’innombrables encaissements, des pitons inaccessibles, une épaisse
végétation, des chutes d’eau de plusieurs centaines de mètres. Venant de
Saint-André, la route d’accès longe d’abord les gorges de la rivière du Mât.
Elle traverse Salazie, le premier village du cirque du même nom, disposant
d’une mairie de style colonial et d’une église de 1850 ressemblant à une
cathédrale avec ses deux tours. Elle passe ensuite près du Voile de la Mariée,
la cascade la plus réputée de La Réunion. Peu après, elle se divise en deux
et grimpe à gauche vers la vallée creusée par la dite rivière du Mât
jusqu’au village de Hellbourg, à droite vers la vallée creusée par la rivière
des Fleurs Jaunes jusqu’au village de Grand Ilet. Entre les deux vallées, au
milieu du cirque, trône le piton d’Enchaing (1350 m).
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1.
Vue aérienne de Salazie-village – 2. Eglise – 3. Mairie
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Dès le début de la
colonisation de l’île, les marrons se réfugient dans le cirque inhabité, où
ils disposent de cachettes sûres. Les plus connus sont Maham, chef à la tête
de 100 noirs, et Enchaing, qui a donné son nom au fameux piton. Ils sont
progressivement acculés au fond du cirque par les colons blancs, qui au début
du 19e siècle, ouvrent un chemin pour chasser le cabri. Encouragés en 1830 par
le gouvernement qui ne dispose plus de concessions dans les plaines littorales,
des familles s’implantent dans les hauts, plus particulièrement à la Mare-à-Poules
d'eau, premier endroit habité. En 1834, plusieurs se regroupent sur le plateau
de Petit Sable, actuel village de Salazie. Ils cultivent avec succès grains,
vanille, légumes en tous genres, riz, raisins, café, pêches, citrons, pommes,
songes, cressons, bananes, tabac, chouchous (ou cristophines importés du
Mexique en 1840). Ils vivent en parfaite autarcie, sans dépendre de Saint-André,
dont la route est longue, difficile et dangereuse en raison des nombreux éboulis.
Dans la seconde moitié du 19e siècle, ils s’enrichissent grâce à la paille
de chouchou utilisée par les fabricants de chapeaux du monde entier. Mais passé
le phénomène de mode, beaucoup d’entre eux sont ruinés et affamés après
avoir abandonné les cultures vivrières.
Le territoire devient en 1899
une commune détachée de Saint-André, mais il était déjà autonome depuis
1834. Ces deux principaux villages disposent aussi d’une certaine autonomie
avec des mairies annexes :
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Depuis 1884, Grand Ilet. Il possède une église exceptionnelle,
tout en bois, reconstruite à l’identique de celle de 1873 emportée par un
cyclone en 1994.
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Depuis 1899, Hellbourg. Située à 950 m d’altitude, cette
bourgade doit son développement à une source thermale découverte en 1832,
pratiquement tarie depuis le cyclone de 1948. Elle est baptisée en 1842 en
l’honneur du gouverneur De Hell. Elle voit s’élever ses premiers établissements
de cure en 1852. Assez facile d’accès, elle est rapidement le lieu de villégiature
de bourgeois, de fonctionnaires, de militaires recherchant un peu de fraîcheur
et de repos. Elle se bâtit sur un plan quadrillé, comme les grandes villes
coloniales de Saint-Denis ou de Saint-Pierre, et prend plus d’importance que
Salazie-village, pourtant centre administratif. Elle possède toujours de
nombreuses cases créoles, dont la Maison Folio de 1870, classée monument
historique. Elle figure aussi parmi les plus beaux villages de France, le
premier d’outre-mer.
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Le
Voile de la Mariée
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L’église
de Grand Ilet
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Le
Piton d’Enchaing vu d’Hellbourg
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La
légende du piton d’Enchaing
Pour échapper
aux mauvais traitements de leur maître, l’esclave Enchaing et sa femme
s’enfuirent un jour vers les hauts. Ils arrivèrent à un piton, dont le
sommet paraissait un bon refuge, tant l’accès était difficile et la
surveillance des environs efficace. Ils vécurent ainsi de leur propre culture,
de chasse et de pêche, et fondèrent une famille nombreuse. Toutefois, une
nuit, après plus de 25 ans de maronnage, ils furent débusqués par le chasseur
de prime Bronchard. La légende hésite sur la fin de l’histoire. Selon une
version, ils furent ramenés à leur propriétaire, mais celui-ci venant de mourir,
sa fille bonne et charitable les affranchit. Selon une autre version plus
enjolivée encore, Enchaing se transforma en papangue et s’envola à tout
jamais vers des horizons plus sereins. Mais plus vraisemblablement, les fugitifs
furent tous exécutés. |