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MAJ Page le 21/12/08


Sources généalogiques

 

Avant d’entreprendre une recherche généalogique sur des esclaves ou des engagés à la Réunion, il faut bien comprendre leur parcours, et dans quels types de documents ils ont pu laisser des traces. Ces documents sont d'autant plus précieux qu'ils sont assez peu nombreux par rapport à ceux relatifs à la vie administrative, économique et politique de l’île. Les affranchis, possesseurs de peu de biens, n'ont également pas laissé beaucoup de traces dans les minutes notariales ou judiciaires. 

 

Les descendants de colons européens établiront par contre assez rapidement leur généalogie grâce notamment au dictionnaire de Camille de Ricquebourg pour la période avant 1810. Des données sont également disponibles sur le site internet du Cercle Généalogique de Bourbon (CGB).

 

Esclaves

Les captifs montaient sur les bateaux négriers anonymement, sans aucun nom. Le lieutenant tenait seulement un livre de traite où il indiquait à chaque embarquement leur nombre par catégories : négrites (petites filles), négrillons, mâles, femelles. Dans les colonies, des annonces de ventes publiques peuvent aussi être retrouvées dans les journaux après un nouvel arrivage. Les acheteurs sont des particuliers, mais aussi des collectivités territoriales, communes ou gouvernement (« Les Noirs du Roi »). 

Selon le code noir de 1685, les esclaves n’ont pas aucune existence juridique, ils n’ont aucun droit. Ils n’ont qu’un prénom ou un sobriquet qui n’est pas héréditaire. Ils ne sont pas toujours inscrits dans les registres de catholicité ou de l’état civil (ainsi la naissance d’Eugénie TIVOLI en 1846 à Saint-Benoît). Lorsqu’ils le sont, ils sont bien distingués des classes blanches et des libres de couleur, avec selon les époques des registres séparés. Leurs actes de naissance ou de décès se limitent à deux lignes, parfois sans aucune dénomination sinon l’appartenance à un maître. Les mariages sont rares, souvent interdits par les maîtres, ou n'ayant aucune signification pour les amants. Les unions libres sont plus fréquentes. Le suivi d’une filiation est ainsi très difficile.

Dans un objectif fiscal (imposition du propriétaire), les esclaves sont aussi recensés dès le 17e siècle, parfois de façon nominative, d'autres fois numériquement seulement (nombre par sexe et par âge). L'ordonnance du 4 août 1833 oblige les autorités coloniales à un recensement précis : nom, âge, sexe, caste, description physique (couleur, cheveux, taille), profession, mention des changements intervenus entre deux recensements (naissance, mariage, décès, vente...). Des recensements sont notamment effectués en 1840-1841 à Saint-Denis, Saint-André et Sainte-Rose. Suite à l'ordonnance du 11 juin 1839, des registres matricules sont également tenus. Ils mentionnent en plus le nom du maître. A La Réunion, ils n'ont été conservés que pour les Noirs du Roi.

Considérés comme patrimoine mobilier, au même titre que du bétail, les esclaves sont listés dans les inventaires après décès ou les testaments de leur propriétaire (par exemple d'Omblyne Desbassayn). Ils font aussi l'objets de revente entre particuliers, devant le notaire, sachant qu'une famille ne peut être séparée. Des annonces de vente, parfois aux enchères, apparaissent dans des journaux de l'époque. 

 

Dans les juridictions, il est possible de retrouver des procès pour marronage, pour la traite interlope (1818-1831), pour maltraitance...

 

Environ 8000 affranchissements eurent lieu avant 1848 à La Réunion. Ils sont normalement enregistrés dans les registres du greffe de la juridiction jusqu'en 1832, puis directement dans les registres de l'état civil des libres avec publication dans la feuille officielle de la colonie. Les libres de couleur (noirs affranchis, mulâtres et leurs descendants) sont enregistrés dans les registres paroissiaux et de l’état civil, séparés de ceux des blancs et des esclaves selon l’époque. Leur nom est rarement héréditaire ou n’est pas reporté dans les tables.

 

Par le décret de juillet 1848, tous les esclaves sont affranchis, soit 62.000 au total. Pour combler l’absence de l’état civil, ils sont inscrits dans des registres matricules spéciaux, dits encore registres d'individualité, avec leur âge, leur domicile, le nom des parents (rarement connu ou déclaré) et surtout ils reçoivent leur nouveau patronyme imposé par l’administration coloniale. Ce patronyme correspond le plus souvent au prénom de l’affranchi (10%), à son caractère physique ou moral (8%, ex : PROSCRIS ou encore JOLICOEUR, SANSREPROCHE), mais aussi à un lieu géographique aussi bien réunionnais que français ou européen (ex : TIVOLI), à un nom d’animal, à des personnages historiques ou mythologiques, à des noms de mois, à des couleurs… (un extrait des registres spéciaux remplace l’extrait de naissance d’Eugénie TIVOLI pour son mariage en 1861). Parallèlement, dans les années 1849 à 1860, de nombreux affranchis régularisent leur union dans les registres de l’état civil, avec parfois une reconnaissance d’enfants.

 

Les listes électorales de 1849-1850 sont intéressantes car elles donnent l’origine ethnique des nouveaux citoyens.

 

Immigrants et engagés

 

Après 1848, les nouveaux « immigrants » sont inscrits initialement sur des registres matricules, essentiellement pour combler l’absence d’acte de naissance, en distinguant bien ceux d’origine africaine de ceux d’origine indienne. Ils donnent leur provenance (plus le continent que le pays), leur âge approximatif, le nom des parents (souvent considéré comme inconnu, car invérifiable par l’administration coloniale), ainsi que plus sûrement le nom du navire sur lequel ils arrivent. Ils portent un nom qu’ils déclarent librement, contrairement aux esclaves affranchis, souvent sans prénom (ainsi SAMORI et NAVOU sous les matricules respectifs n° 77.415 et n° 101.766). Aucun registre n'aurait été conservé aux Archives départementales pour les quelques 100.000 immigrants indiens entre 1848 et 1882. Considérée comme de la traite, l'immigration est arrêtée, ou plutôt très sérieusement régulée à partir de 1859 pour les Africains, et de 1882 pour les Indiens.

 

Les engagés reçoivent aussi un livret de travailleur, dont certains peuvent être conservés dans les familles. Seule une centaine, ayant plus une valeur historique, a été reversée aux archives départementales. Voici un exemple de quelques informations contenues (ADR, 12M38, pièce n°37) :

 

Nom : SABOURI, âgé de 38 ans en 1883. 

Caste : cafre. 

Arrivée : le 17 mai 1857 sur le GAVENOR, capitaine HIGGUISON. 

Signe particulier : (illisible) Porté à la matricule de Saint-Joseph sous le n° 3223. 

Porté à la matricule générale sous le n° 59532. 

Premier contrat le 8 juillet 1857 chez DESPREZ, propriétaire à Saint-Denis. 

Contrats à Saint-Joseph de 1888 à 1901, sauf à Saint-Pierre en 1898 ?

Arrivé à l’âge d’environ 12 ans, ce SABOURI ne peut être assimilé à notre ancêtre SAMORI. Il s’est en effet marié à Saint-Joseph en 1883 à Céline AOUILLE, puis remarié en 1885 à une dénommée LOSSANDIE.

 

Les actes de l’état civil sont bien enregistrés, mais les noms sont parfois erronés. A partir de 1882, les enfants indiens nés dans la colonie doivent opter ou non pour la nationalité française, notamment pour la situation militaire des garçons.

 

Aucun recensement n’est conservé entre 1849 et 1891, et ne permet donc pas de savoir chez quel propriétaire travaillait un engagé. Ceux effectués en 1892, 1897, 1902, 1907, 1911, 1920, 1921, 1926 et 1931 sont moins riches en information que ceux d’avant 1848. 

 

Le cadastre n'a été créé qu'après la départementalisation de 1946.

 

Lieux de recherche

 

Au niveau des Archives départementales de la Réunion, peu de documents sont conservés sur l’esclavage et sur l’immigration du 19e siècle.

 

Les registres spéciaux d'affranchissement font l’objet d’un dépouillement systématique de la part de quelques particuliers. Seule une partie des affranchis de 1848 (36.000 sur 62.000) apparaît sur sur le site http://www.historun.com. Le reste est disponible auprès du Cercle généalogique de Bourbon, est toujours en cours de dépouillement (à fin 2008), ou est perdu. Des réponses ponctuelles peuvent aussi être données sur forum yahoo GENBOURBON.

En série 12M, se retrouvent les principaux documents concernant l’immigration :

 

Type de document Pour l’immigration africaine Pour l’immigration indienne
Registres de matricules

Période 1888-1938 uniquement 

(12M 33 à 37)

Aucun
Livrets d’engagés

43 conservés entre 1856 et 1888.

(12M 38-39)

76 conservés entre 1849-1888.

(12M 67-68)

Option de nationalité pour les enfants nés dans la colonie Aucun

Période 1883-1902

(12M 70)

 

Comme toutes les archives départementales, les minutes notariales (inventaires après décès, testaments, reventes...) sont conservés en série E, les recensements en série 6M, les documents judiciaires en série U, etc...

Les registres de matricule militaire sont par contre conservés au CAOM.

 

A La Réunion, les registres de catholicité et d’état civil constituent une collection presque sans lacune depuis le début de la colonisation de l’île, dont il faut connaître l'histoire pour la création progressive des paroisses et communes. Les registres en triple exemplaires, depuis l’ordonnance royale de 1776 créant le Dépôt Public des Papiers des Colonies (DPPC), se complètent. Les Archives nationales à PARIS disposent aussi de microfilms (côte 5 MI) pour les registres antérieurs à 1870 ou 1879.

 

Exemplaire Moins de 100 ans (*) Plus de 100 ans
1 Mairie Mairies qui reversent souvent
aux Archives départementales
2 Greffe du tribunal d’instance Archives départementales
3 Ministère des DOM-TOM (successeur du DPPC), 27 rue Oudinot à Paris

Centre des Archives d’Outre-Mer (CAOM)

à Aix-en-Provence

Microfilms Néant Archives nationales à Paris

(*) Dérogation nécessaire du procureur de la République, si les recherches concernent des personnes autres que le demandeur, ses ascendants ou descendants sur une période dont la communication des documents n'est légalement pas autorisée.

 

Madagascar

 

Pour l’Etat civil des Français ayant vécu à Madagascar (notamment les Réunionnais), les registres sont conservés en France en un seul exemplaire :

 

Moins de 100 ans (*) Plus de 100 ans

Ministère des Affaires Etrangères,
Service de l’Etat Civil des Français à l’Etranger, Nantes.
(Demande d'acte possible par Internet)

Centre des Archives d’Outre-Mer (CAOM)

à Aix-en-Provence

(*) Période coloniale jusqu'à l'indépendance en 1960, puis période consulaire.

 

Les registres concernant les autochtones sont restés dans le pays.

 

Le CAOM dispose de quelques documents intéressants :

 

Côte Contenu Période
3Z 258 Recensements, notamment relevé des Français de la Réunion, de l'Inde, de Diégo Suarez en 1891. 1865 à 1891
3Z 274 Recensements de Tamatave  
6 (10) D144 Etat nominatif des Français morts à Madagascar. 1900 à 1930
6 (10) D86 bis à D143 Naturalisations (D86 bis : période 1895-1901). 1894 à 1940
11B 96 Registre matricule des Français à Madagascar. 1881 à 1894
11B 115

Etat nominatif des commerçants, employés de commerce, colons agriculteurs... Un registre par province.

au 1er janvier
de 1904 et 1905

Afrique continentale

Le village d'origine (et non le port d'embarquement) des immigrants africains n'est quasiment jamais mentionné dans les documents. S'il l'est, son nom peut avoir été mal compris et déformé par les autorités coloniales. En fait, la transmission orale dans la famille peut être plus sûre, mais risque de ne pas pouvoir remonter au delà de 100 ou 150 ans, et peut enjoliver la réalité. Les recherches s'avèrent très difficiles sinon impossibles en l'absence de sources écrites avant l'implantation des administrations coloniales des Européens à la fin du 19e siècle.

 

Inde 

 

Les descendants d'immigrants indiens rencontrent la même problématique que pour les Africains : retrouver le village d'origine. Par contre, en Inde, des sources écrites existent. Parmi celles-ci, les registres de pèlerinages hindous, dont plusieurs ont été microfilmés par les Mormons, permettent de remonter d'un coup plusieurs générations (jusqu'à cinq ou sept parfois).  Une connaissance en écriture et en langue (sanskrit, tamoul, hindi...) est par contre nécessaire, sinon un traducteur. Au 19e siècle, un état civil a été mis en place  par les autorités coloniales françaises et anglaises, mais les Indiens ne l'ont pas vraiment adopté depuis.